| L’essor de la culture victimaire Posted: 10 Jul 2021 10:47 PM PDT L’Essor de la culture victimaire (The Rise of Victimhood Culture) est un livre paru en 2018. L’ouvrage est le résultat de la collaboration de deux sociologues universitaires : Bradley Campbell (professeur à l’Université d’État de Californie à Los Angeles) et Jason Manning (professeur à l’Université de Virginie occidentale). Campbell et Manning soutiennent que les accusations de micro-agression se concentrent sur des affronts involontaires, contrairement au mouvement des droits civiques, qui se concentrait sur des injustices concrètes. Ils soutiennent que le but d’attirer l’attention sur les micro-agressions est d’élever le statut de victime vexée. « Lorsque les victimes publient des micro-agressions », écrivent Campbell et Manning, « elles attirent l’attention sur ce qu’elles considèrent comme le comportement déviant des délinquants. Ce faisant, » elles « attirent également l’attention sur leur propre victimisation ». Elles le font parce que cela abaisse « le statut moral du délinquant » et « élève [leur] statut moral de victimes ». Manning et Campbell s’appuient sur les travaux du sociologue Donald Black sur les conflits et sur les études interculturelles des conflits et de la moralité pour affirmer que les guerres culturelles contemporaines ressemblent à des tactiques décrites par des universitaires dans lesquelles une partie ou un groupe lésé recherche le soutien de tiers. Ils soutiennent que les conflits fondés sur des griefs ont conduit à un changement moral à grande échelle dans lequel une nouvelle culture de victimisation entre en jeu et remplace les anciennes cultures de l’honneur et de la dignité. Les cultures d’honneur, souvent appelées cultures d’honneur-honte, sont des cultures comme celle de l’Ouest américain ou de l’Europe à l’époque où les duels étaient courants. Dans de telles cultures, l’honneur est primordial et, lorsqu’il est atteint, la partie offensée se venge directement. Les mécanismes de conflit comprennent la vendetta. Dans les cultures d’honneur, les victimes ont un faible statut moral. Manning et Campbell décrivent la culture de l’honneur et de la honte comme ayant été remplacées dans les sociétés occidentales modernes des XIXe et XXe siècles par une culture de la dignité où « les insultes peuvent provoquer une offense, mais elles n’ont plus la même importance qu’un moyen d’établir ou de détruire un réputation de bravoure. Au lieu de cela, “lorsque des conflits intolérables surviennent, les cultures de la dignité prescrivent des actions directes, mais non violentes”. couper les relations avec le délinquant sans aucune confrontation » ou « conceptualiser le problème comme une perturbation de leur relation et ne chercher qu’à rétablir l’harmonie sans porter de jugement ». Une action en justice a été engagée : « Pour des infractions telles que le vol, l’agression ou la rupture de contrat, les personnes dans une culture de dignité utiliseront la loi sans honte “Mais conformément à leur éthique de retenue et de tolérance, ce n’est pas nécessairement leur premier recours, et ils pourraient condamner de nombreuses utilisations des autorités comme frivoles. On pourrait même s’attendre à ce que les gens tolèrent des blessures graves, mais accidentelles. » Une culture de la dignité, selon Campbell et Manning, a des valeurs morales et des normes de comportement qui promeuvent la valeur de chaque vie humaine, encourageant la réussite de ses enfants tout en enseignant que « les bâtons et les pierres peuvent me briser les os, mais les mots ne me feront jamais de mal ». Parce que la culture de victimisation est maintenant censée conférer le statut moral le plus élevé aux victimes, Campbell et Manning soutiennent qu’elle « augmente l’incitation à faire connaître ses griefs ». Les parties vexées et offensées qui auraient pu jadis donner un coup de poing ou intenter une action en justice font désormais appel à l’aide sur les réseaux sociaux, demande qu’on « annule », qu’on bâillonne ceux qui les vexeraient. Selon Campbell et Manning, la culture de victimisation engendre une « victimisation compétitive », elle incite même les personnes privilégiées à prétendre qu’elles sont victimes, par exemple, de discrimination à rebours. La culture de victimisation de Manning et Campbell considère la valeur morale d’une personne comme largement définie par la couleur de la peau et l’appartenance à un groupe à identité « minoritaire » fixe, comme les LGBTIQ, les musulmans ou les peuples autochtones. Pour schématiser : Prémodernité : culture de l’honneur Modernité : culture de la dignité Postmodernité : culture victimaire Les deux professeurs se sont également penchés sur la prolifération récente de faux actes haineux (« hate crime hoaxes ») comme fait social. Qu’est-ce que ces « canulars » nous apprennent sur la culture victimaire actuelle ? Campbell et Manning en tirent la conclusion suivante : « Si le statut de victime ne conférait aucun avantage, pourquoi tout cela se produirait-il ? Pourquoi quelqu’un prétendrait-il faussement être une victime s’il n’y avait aucun avantage à le faire ? […] Le fait qu’ils le fassent démontre que le statut de victime est en réalité une ressource sociale, une forme de statut [enviable]. » Le statut de victime devient ainsi désirable, ce qui mène à une « course vers le bas » très paradoxale. » Pour les auteurs, les diversitaires, les wokes, font tout leur possible pour pousser de tierces personnes à intervenir coûte que coûte. Ayant été éduqués constamment sous supervision parentale, ils gardent ce réflexe enfantin de se tourner vers une source d’autorité pour régler leurs différends. Les auteurs rejoignent ici le diagnostic de Greg Lukianoff et Jonathan Haidt. Voir Aux racines du wokisme dans les universités. Pourquoi cette crise dans les universités ? C’est pourquoi il est adroit pour les wokes de privilégier une vision manichéenne et « d’interdire » toute position de neutralité ou d’indifférence pour obliger les tiers à intervenir et à les sortir de l’indifférence et de la tolérance. C’est d’ailleurs ce que dit un des maîtres à penser du wokisme, Ibrahim X. Kendi, pour lequel « il n’y a pas de politique “non raciste” ou “neutre” », car, les gens se divisent en « racistes » ou « antiracistes ». (Voir Formation des fonctionnaires fédéraux en racialisme [pardon antiracisme…] et stéréotypes anti-blancs). Dans les universités, les diversitaires cherchent d’abord l’intervention de la bureaucratie universitaire. « Lorsqu’un groupe d’étudiants de Yale a exigé que les poètes blancs soient retirés du programme, ils n’ont pas formulé leur demande sous la forme d’une préférence (“Nous préférons lire des poètes non blancs”) ni même sous la forme d’une question de vertu (“La diversité ethnique est une bonne chose”), ils ont plutôt insisté sur le fait que les étudiants souffraient » de devoir lire les auteurs blancs. L’intervention de l’administration se justifiait sous le prétexte en apparence louable de « protéger » des étudiants.Les réseaux sociaux permettent également de démultiplier le nombre de tierces personnes qui pourraient venir au secours des victimes présumées lors d’une dispute.Quelles sont donc les conditions culturelles et sociales de l’émergence du wokisme ? Nos auteurs en établissent quatre : Une bureaucratie étendue ;L’atomisation sociale ;De la diversité visible ;Un grand niveau d’égalité.1) La bureaucratie sert de réceptacle aux plaintes et de source d’autorité. Elle remplace les parents qui ont chouchouté la génération woke. L’administration y voit son intérêt : cette nouvelle culture morale engendrant nombre de disputes, la bureaucratie pourra justifier son rôle grandissant et ses salaires.2) L’Atomisation sociale : ce n’est que lorsque l’on ne vit pas dans une communauté forte que l’on a besoin de faire des campagnes de soutien. Les interventions bureaucratiques ne deviennent nécessaires que si l’on n’est plus assuré d’avoir des partisans déjà acquis à sa cause.3) L’importance d’une diversité visible. Pour qu’il y ait une discrimination réelle ou apparente, il faut une base sur laquelle distinguer facilement oppresseurs et opprimés. La race, notamment, est un facteur de distinction évident. On peut ainsi remplir répartir les rôles entre « dominant » et « dominé » !4) C’est le paradoxe tocquevillien : ce n’est que dans les sociétés les plus égalitaires que la moindre inégalité fait tache. Personne ne se plaint d’inégalités dans une société de castes. On ne se plaint d’avoir faim que la bouche pleine.Campbell et Manning sont formels : la croissance de cette culture victimaire ne fera que s’accélérer dans les prochaines années. (En partie inspiré de gazouillis de Pierre Valentin, @Valent1Pierre) Voir aussiAux racines du wokisme dans les universités. Pourquoi cette crise dans les universités ? Wokisme — Nouvelle vidéo de recrutement de l’armée américaineLa lâcheté de l’université anglophone McGill et son « éducation de qualité »« Espaces sûrs » : des étudiants qui ne supportent plus la contradiction États-Unis — Suicide du professeur Mike Adams, harcelé et menacé sur les réseaux sociaux par des progressistesLes jeunes attirés par la droite, parce qu’ils rejettent le wokisme, le correctivisme politique et le pharisianisme « Les inégalités en défaveur des hommes passent à la trappe ! » « La révolution racialiste et autres virus idéologiques » avec Mathieu Bock-Côté (vidéo) Le Parti dit conservateur du Canada et l’islamophobie au Canada, ce pays « dominé par la masculinité blanche »Éducation au Québec — « Mais c’est très colonial que de déterminer des échéanciers et de s’y tenir à tout prix ! »L’Alberta exige une plus grande liberté d’expression sur les campus Legault parle de garantir la liberté de débat à l’université, Martine Delvaux de l’UQAM parle de « police » gouvernementale Université anglophone Concordia : « Repérer et contrer le colonialisme en physique contemporaine »Parodier le vocabulaire des études de genre : un nouveau genre à succès ? « Faire face à l’occidentalophobie » Lockheed Martin—Hommes blancs, mal ; missiles de guerre, bien ? Formation sur le privilège blanc. Le grec et le latin, nouvelles cibles des « wokes » « Nous irons dans les écoles pour entamer un dialogue » sur le racisme systémique au Québec Éducation à la sexualité : « les craintes des parents sont légitimes » « La blanchité multiraciale » : comment les wokes expliquent que des non blancs votent pour Trump La théorie de la « fragilité blanche » (une nouvelle ordalie de l’eau utilisée pour découvrir les sorcières) Comment le woke blanc se voit quand il pourfend la blanchité et le racisme systémique blancSecte « woke » pas prise au sérieux. Mais confrontés à celle-ci, les gens se soumettent ou sont détruits L’Université Evergreen (États-Unis) et les dérives du progressisme militant (vidéo) Le wokisme : des protestants puritains athées La protestation radicale dans les universités, un acte religieux ? (vidéo) |
| Le pape François veut réduire l’influence des traditionnalistes en revenant sur les ouvertures de Benoît XVI Posted: 10 Jul 2021 12:19 PM PDT Quatorze ans après la décision de son prédécesseur de libéraliser la messe en latin, le pape argentin envisage de restreindre son application pour réduire l’influence des traditionalistes. Messe d’action de grâce pour les 25 ans de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, le 16 novembre 2013. La liturgie traditionnelle dans l’Église ne lésine pas sur l’encens. Ses volutes légères et profondes veulent exprimer un mystère. Un autre mystère plane toutefois sur l’avenir de cette tradition connue sous le nom de « messe en latin ». François pourrait en limiter l’usage. Benoît XVI avait pourtant redonné ses lettres de noblesse à cette liturgie. Nuage fugitif ou orage annoncé ? Le 7 juillet 2007, Benoît XVI avait ouvert un nouvel horizon à la liturgie traditionnelle. Dans un décret devenu célèbre, le motu proprio Summorum pontificum, il accordait une place nouvelle à l’« ancienne messe » alors qu’elle avait été marginalisée par le concile Vatican II (1962-1965). « Extraordinaire » et « ordinaire » Le pape allemand reconnaissait la pertinence de la messe dite de saint Pie V, telle qu’elle était dite avant ce concile en lui conférant un statut pérenne, celui de rite « extraordinaire ». Il demeurerait à côté du rite « ordinaire », celui de la messe dite de Paul VI. Non comme une alternative pour tous les catholiques, mais comme une possibilité pour les fidèles demandeurs. Il suffisait qu’un « groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure » se signale au curé de la paroisse pour que celui-ci « accueille volontiers leur demande », sans recourir à l’autorisation de l’évêque. Benoît XVI attendait des deux formes du rite de l’Église latine, « extraordinaire » et « ordinaire », qu’elles vivent un « enrichissement mutuel ». Quelques mois plus tôt, dans une tribune collective publiée dans Le Figaro, des personnalités tels que le philosophe René Girard, le chef d’entreprise Bertrand Collomb, les comédiens Jean Piat et Claude Rich ou encore l’historien Jean-Christian Petitfils appelaient de leurs vœux cette décision pontificale. Cette libéralité pourrait avoir vécu. Le pape François lui-même a révélé le 24 mai dernier à Rome, aux évêques italiens réunis à huis clos, que la révision du motu proprio de Benoît XVI ne tarderait pas. De fait, ce projet, toujours tenu secret, en est à sa troisième version. Plusieurs sources fiables indiquent que cette révision ne remettrait pas en cause la reconnaissance du rite de saint Pie V à titre « extraordinaire ». Il ne toucherait pas davantage aux associations religieuses de prêtres constituées et concernés par ce rituel. Serait en revanche visé le libéralisme du motu proprio de Benoît XVI : ce serait désormais l’évêque local, et non plus les fidèles, qui contrôlerait le droit de célébrer selon le rituel extraordinaire. Second axe de révision : au Vatican, les « traditionalistes » — ainsi sont-ils dénommés dans l’Église — ne dépendraient plus d’une structure ad hoc abritée au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi qui protégeait de facto les entités traditionalistes. La sphère traditionalisteÀ l’avenir, toute question non soluble par l’évêque local serait traitée, selon la nature du sujet, au sein des congrégations vaticanes compétentes : évêques, clergé, liturgie, qui sont les « ministères » romains spécialisés du gouvernement de l’Église. Le dossier traditionaliste ne serait plus un cas à part. Quand cette révision sera-t-elle publiée ? Selon nos informations, la version finale aurait été validée pour une sortie imminente. Que représente la sphère traditionaliste en France ? Une enquête de l’épiscopat vient de recenser « un à deux » lieux de cultes par diocèse accueillant « moins de 100 fidèles », voire « entre 20 et 70 ». Soit 20 000 personnes au mieux. Le mensuel de référence en ce domaine, La Nef, vient de publier dans son dernier numéro une enquête complète, estimant ces pratiquants entre 31 000 et 51 000 fidèles. En ajoutant ceux qui désireraient aller à ces messes mais qui habitent trop loin, il estime « les fidèles tradis à environ 60 000 personnes ». Avec de fortes disparités régionales et la présence de bastions comme Versailles, qui représente 10 % de ce chiffre. Le choix pour le rite tridentin, 250 lieux de culte en France, attirerait, selon cette source, 4 % des pratiquants. Sans compter les fidèles de la Fraternité Saint-Pie-X (les « lefebvristes »), qui compteraient 35 000 fidèles en France. Au total, un poids loin d’être négligeable. Quant aux prêtres qui célèbrent, ils peuvent être issus du clergé diocésain, mais la plupart viennent de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP), qui compte plus de 342 prêtres d’un âge moyen de 38 ans, et dont 80 exerçant en France, et de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre (ICRSP), qui recense plus de 100 prêtres (âge moyen de 36 ans). [beaucoup plus jeunes que les prêtres « modernes ».] Il existe aussi nombre de communautés monastiques qui célèbrent la messe sous la forme extraordinaire du rite romain : les bénédictins de Fontgombault ou du Barroux ou encore les chanoines de l’abbaye de Lagrasse. Contrôle épiscopalCette influence persistante auprès d’un public souvent rajeuni explique-t-elle que le pape prenne le risque de déséquilibrer le modus vivendi apporté par le motu proprio ? François, c’est de notoriété publique, n’apprécie pas la messe selon l’ancien rite, à l’inverse de son prédécesseur. Ordonné prêtre en décembre 1969, il ne l’aurait jamais célébrée. Il l’avait interdite le 22 mars dans la basilique Saint-Pierre avant de la réhabiliter devant les protestations, dont celle du cardinal Robert Sarah, mais à de strictes conditions. Le pape argentin respecte [quelque peu] toutefois ceux qui se retrouvent dans ce rite. Son objectif affiché n’est pas d’empêcher les prêtres affiliés à cette famille liturgique d’y rester fidèles, mais, en invoquant l’esprit de ce motu proprio tel que l’avait décrit Benoît XVI, d’imposer un nouveau contrôle épiscopal. « Pour vivre la pleine communion, écrivait Benoit XVI, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. » Autrement dit, les prêtres célébrant dans l’ancien rite ne doivent pas refuser le rituel conciliaire de la messe. « Benoit XVI a fait un geste juste et magnanime pour aller à la rencontre d’une certaine mentalité, de certains groupes et personnes qui ressentaient de la nostalgie et s’éloignait, mais c’est une exception, expliquait François en 2016 au jésuite Antonio Spadaro. C’est pour cela que l’on parle de rite extraordinaire. » Mais le pape ajoutait : « Vatican II et la constitution conciliaire Sacrosanctum concilium (qui réformait la messe) doivent continuer d’être appliqués tels qu’ils sont. » Pour François, la permission de célébrer selon le rite ancien ne sera jamais une alternative de plein droit. Elle doit rester une « exception ». L’enjeu est clair : « Il ne faudrait pas induire dans l’esprit des séminaristes qu’il existe deux formes au choix dans l’Église latine ». « Une Église parallèle se dessine », alertait l’enquête de l’épiscopat français, partie de l’enquête mondiale lancée sur ce sujet en mars 2020 par le pape François lui-même. Il suit personnellement ce dossier, plaçant des hommes à lui pour le piloter, comme Mgr Aurelio Garcia Macias, un Espagnol qu’il vient de promouvoir au sein de la Congrégation pour le culte divin. Le pape, décidé à recadrer les choses, confiait aussi à son ami jésuite Spadaro : « J’essaye de comprendre ce qu’il y a derrière des personnes qui sont trop jeunes pour avoir vécu la liturgie préconciliaire mais qui la veulent quand même. Parfois, je me trouve face à des personnes très rigides. » De fait, cette liturgie attire des jeunes et des familles, l’Église le constate. « Il ne peut pas y avoir deux liturgies parallèles. Ce qui est en jeu est l’unité à long terme de l’Église », explique Andréa Grillo, théologien italien et laïque, spécialiste de liturgie, ennemi juré du motu proprio, qui aurait l’oreille du pape sur ce sujet. « Cette révision du motu proprio arrêtera ce biritualisme dans l’Église latine qui n’était pas l’intention de Benoît XVI. » Mais « l’idée de mettre sur le même plan les deux rituels, comme si le concile Vatican II n’avait jamais existé, s’installe chez de jeunes prêtres comme dans certains diocèses de la côte ouest des États-Unis où les séminaires forment aux deux rites, ordinaire et extraordinaire. » Professeur influent, il avertit : « La forme extraordinaire est devenue, depuis 2007, la tranchée de résistance au concile Vatican II. » La crise dijonnaiseEn France, le temps des guerres de tranchées liturgiques ou doctrinales appartient pourtant au passé. Il existe quelques paroisses pratiquant les deux rites et nombre de jeunes fidèles peuvent indifféremment passer d’une liturgie à l’autre. Le souci de l’ars celebrandi (l’attention portée à chaque geste de la liturgie), défendu ardemment par Benoit XVI, s’étend bien au-delà des traditionalistes. C’est, par exemple, l’une des caractéristiques de la Communauté Saint-Martin, communauté de prêtre diocésain, devenu un des séminaires les plus importants de France. Une crise récente dans le diocèse de Dijon a pu donner l’impression que les relations entre les milieux traditionalistes et l’Église de France seraient conflictuelles. Le 17 mai, Mgr Roland Minnerath a mis un terme à un accord passé il y a vingt-trois ans avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre pour assurer la messe dans la basilique Saint-Bernard de Fontaine-lès-Dijon. Le 26 juin, des fidèles manifestaient devant l’évêché pour réclamer le « dialogue ». L’évêque est descendu pour répondre qu’il attendait un retour à sa dernière proposition : « Ou bien les prêtres acceptent de concélébrer de temps en temps, eux ou d’autres, et ils restent, ou bien ils partent. » « Concélébrer » ? Le concile Vatican II ouvre la possibilité de permettre à plusieurs prêtres de célébrer la même messe. Considérée comme un symbole d’unité du clergé, cette pratique est refusée par une petite partie des prêtres traditionalistes. La tension sur ce point se fait sentir, dans une minorité de diocèses, le jeudi saint, quand tous les prêtres concélèbrent autour de leur évêque. Dans ce cas, toutefois, les prêtres participent à la messe mais ne concélèbrent pas. En réalité, la crise dijonnaise, envenimée par des caractères personnels, est une exception qui confirme une règle générale marquée par l’apaisement des relations entre le monde « tradi », les fidèles et l’épiscopat. Une réunion nationale, ce fut une première, a d’ailleurs eu lieu entre eux le 14 juin. Impensable il y a peu, le numéro spécial de La Nef publie une interview de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques, où il atteste de cette « intégration plus naturelle », même s’il s’inquiète de « certains groupes qui se durcissent dans une posture spirituelle et politique ». Mais l’Évêque de Reims poursuit : « Ces communautés regroupent souvent de jeunes familles et de jeunes gens. Certains de ces fidèles appartiennent au monde dit de la tradition depuis des générations, mais un nombre non négligeable se sont approchés de la foi grâce à la messe dite de saint Pie V. Les fidèles de ces communautés enrichissent donc l’Église du Christ, selon la mesure où ils consentent à être pleinement membres de la “grande” Église. » Autre indicateur : l’enquête interne menée par l’épiscopat, très critique sur certains points, reconnaît : « Dans la plupart des diocèses, la situation semble apaisée. » Source : Le Figaro Voir aussi Éric Zemmour : « Quand Joe Biden et le pape François jouent contre les évêques américains » Cabinet de Joe Biden regorge de catholiques en rupture avec l’enseignement catholique sur des questions fondamentales Biden ne peut prétendre être un catholique fidèle et être un champion de l’avortement États-Unis — La loi sur l’« égalité » des démocrates exclut expressément toute objection religieuse Pape François et les médias — L’art de ne pas parler du génocide des chrétiens d’Irak Oui, c’était mieux avant ! Religion — baisse de la fréquentation de la messe sous le pape François, stabilité chez les protestants Le Pape François a donné quitus à une éradication du christianisme dans sa Terre natale Vatican II, « déclencheur » de l’effondrement de la pratique catholique ? (M-à-j vidéos) Vatican II, l’éducation et la Révolution tranquille vus par Radio-Canada Patrick Buisson : « les réactionnaires ont souvent un tour d’avance » Oui, c’était mieux avant ! |