LE BLOG DE PATRICE GIBERTIE:AFGHANISTAN: LES LARMES DE CROCODILES

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AFGHANISTAN/ LES LARMES DE CROCODILES par pgibertie Le traitement médiatique et politique du drame afghan est abominable, les faits sont pourtant accablants pour les occidentaux qui  n’ont strictement rien compris à la géopolitique orientale . 1°Le sort du pays s’est joué il y a plus de 18 mois quand Trump a vendu les Afghans aux Talibans  et a tout cédé au Qatar et au Pakistan . Le gouvernement  afghan a été mis à l’écart de ces négociations  par lesquelles l’Amérique s’engageait à abandonner le pays et  à libérer plus de 5000 talibans/. L’armée afghane qui avait perdu 50 000 morts s’est sentie trahie et a baissé les armes 2 L’accord de Doha entre les US et les Talibans qui a été signé le 29 Février 2020 et adopté à l’unanimité par les Nations Unis dans la foulée. la coalition n’a pas demandé à négocier avec le gouvernement Afghan, ou n’a cherché à garantir son maintien, car il était déjà acté que ce gouvernement n’avait pas vocation à rester. 3° L’Afghanistan constitue un monde incompréhensible pour l’occident : absence d’Etat nation , réalité des tribus et des chefs de guerre, fracture entre le monde tadjik (Massoud du Nord Est), iranien de l’ouest du pays et bloc patchoune majoritaire du sud , sunnite et pro pakistanais https://www.monde-diplomatique.fr/2020/04/LEFEUVRE/61638 Un accord de paix qui n’en est pas un Débandade américaine en Afghanistan Drôle d’accord entre les talibans et Washington, qui entérine le retrait des troupes américaines sans aucune contrepartie ou presque pour les premiers. Quant au pouvoir de Kaboul, il est dans l’impasse. Même le secrétaire d’État Mike Pompeo, en visite-éclair le 23 mars, n’a pas réussi à l’en sortir. Conséquence : les États-Unis ont coupé leurs aides de 1 milliard de dollars (sur 5).   Le 29 février  2020 M. Zalmay Khalilzad pour les États-Unis et le mollah Abdul Ghani Baradar pour les talibans ont enfin signé à Doha l’accord qu’ils négociaient depuis septembre 2018. Accord de paix ? On en est loin. L’usage abusif du mot « paix » depuis le début du processus a faussé l’analyse et créé de faux espoirs. À l’annonce de la signature, beaucoup d’Afghans ont dansé de joie, pour en rabattre le lendemain lorsque les talibans ont repris les combats… En réalité, il n’a jamais été question de négocier la paix  — exercice impossible puisque le gouvernement afghan était exclu des pourparlers —, mais de trouver les conditions d’un retrait des forces américaines, sans trop de déshonneur et de manière impérieuse puisqu’il s’agissait d’une promesse de campagne que le président Donald Trump avait bruyamment réaffirmée en décembre 2018. Pour faire bonne mesure, il s’agissait aussi d’obtenir que les talibans, en échange, acceptent quatre concessions : un cessez-le-feu, une négociation avec le gouvernement de Kaboul, un engagement qu’aucun attentat ne serait jamais fomenté contre les États-Unis depuis le sol afghan, et des garanties de sécurité pour le retrait graduel des troupes.  Or, dans le traité final , Washington promet de retirer la totalité des militaires, en quatorze mois, ainsi que tous les civils non diplomates, agents privés de sécurité, conseillers, formateurs, etc., selon un calendrier serré : cent trente-cinq jours pour évacuer cinq bases militaires et réduire d’un tiers ses effectifs. Curieusement, l’accord, signé par les seuls États-Unis, oblige également les autres pays de la coalition à faire de même et dans la même proportion. Le reste des troupes devra être parti dans les neuf mois et demi qui suivent. Les Américains se sont également engagés — au nom du gouvernement afghan, qui n’a pas été consulté — à libérer cinq mille prisonniers talibans « avant le 10 mars », à mettre fin aux sanctions, avant le 27 août prochain, et à supprimer la liste des talibans dont la tête est mise à prix. Pour l’heure, aucun de ces points n’a été réalisé. En contrepartie des engagements américains très contraignants, les concessions des talibans semblent bien légères et très vagues. Ceux-ci s’engagent à négocier avec les « parties afghanes » (« Afghan sides »), mais le texte ne précise pas de quelles « parties » il s’agit, puisque les talibans ne reconnaissent pas le gouvernement de Kaboul.. En revanche, l’engagement de rompre avec Al-Qaida est beaucoup plus douteux puisque le numéro deux de la direction exécutive des talibans n’est autre que M. Seraj Haqqani, fils de Jallaluddin Haqqani, ancien chef du réseau terroriste du même nom. Il joue le rôle d’interface d’Al-Qaida au sein de cette direction, comme le fit son père aux côtés du mollah Omar : celui-ci avait offert à Oussama Ben Laden la possibilité d’installer sa première base dès 1986 à Djadi, un des fiefs Haqqani, et avait ensuite permis le développement d’Al-Qaida lorsque des éléments venus, entre autres, de Tchétchénie, d’Ouzbékistan et du Xinjiang (Chine) s’étaient installés dans ses zones d’influence (le Paktya en Afghanistan et le Waziristan au Pakistan On imagine l’asymétrie des pourparlers éventuels. Si le peuple afghan aspire à la paix, de quelle paix s’agirait-il ? L’accord entre les États-Unis et les talibans a fait l’objet de vives critiques. En Afghanistan, où Rahmatullah Nabil, ancien chef des services secrets, a jugé que la libération des prisonniers talibans, conséquence d’un « accord honteux », est une insulte aux quelque 50 000 hommes des forces afghanes tués ces dernières années ; mais aussi aux États-Unis, où l’un des grands think tanks de Washington, entre autres, voit dans l’accord de Doha une impasse. En replaçant cet accord dans le cadre du Grand jeu que les pays de la région et les grandes puissances déploient en Afghanistan, et dans lequel s’impliquent les pays, comme le Qatar, l’Allemagne et la Norvège, prêts à accueillir sur leur sol les pourparlers intra-afghans, laissons au président de l’Afghan Institute of Strategic Studies le mot de la fin, en citant sa métaphore culinaire : « Le menu a été choisi par le Pakistan, il a été cuisiné par un chef américain dans une cuisine allemande pour un restaurant norvégien. La facture a été payée par le Qatar. Les talibans auront les entrées, le plat principal étant partagé entre le Pakistan et la campagne électorale de Trump. Le gouvernement afghan aura une part du dessert. Les mouvements démocratiques afghans, y compris ceux de défense des droits des femmes, auront les restes, s’il y en a. »

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